Habiter Cannes est un immense privilège. Le soleil, la mer, un cadre de vie idyllique, bouleversé dix jours par an par le plus gros festival de cinéma au monde, le Festival International du Film (FIF pour les intimes). À bien des égards, jetons sur cette cuvée 2023, un certain regard.
Par plusieurs aspects, il est évident qu'en tant que Cannois, on peut se sentir dépossédé de la ville pendant le FIF, dont la population triple, passant de 75 000 à près de 230 000 habitants pendant la quinzaine. Il existe plusieurs facteurs ennuyeux, comme certains restaurants qui pratiquent des prix abusifs, tout comme pendant le Mipim et d'autres événements (on se souvient des «dérives tarifaires» pointées du doigt par David Lisnard, maire de Cannes et Président de l'AMF), ou encore le stationnement et la circulation en ville qui deviennent un véritable enfer pendant la quinzaine.
Heureusement, le positif est bien réel, et il existe plusieurs biais pour vivre le festival et ce, sans être accrédité. Même si le grand public n'a pas grande possibilité sans le précieux sésame autour du cou, l'Association Cannes Cinéma permet à plusieurs milliers de cannois mordus du 7e art de s'accréditer via «Cannes Cinéphiles» et ainsi avoir accès aux projections. De plus, la mairie de Cannes procède à un tirage au sort réservé aux Cannois (sur justificatif de domicile), et qui a vu sa participation en hausse de 30% cette année (4000 participants), permettant à 1500 heureux gagnants de récupérer des invitations pour grimper les marches et assister aux films.
«Vous pouvez toujours attendre peu avant la fermeture, certains gagnants ne viennent pas récupérer leur place et on peut les redistribuer», nous explique la personne en charge du guichet, à la gare maritime. On peut toujours tenter sa chance en dernière minute, donc, tout comme certains qui patientent en smoking avec des pancartes demandant des tickets, mais il faut une bonne dose de motivation. Quand on sait que des places pour certaines montées des marches peuvent se revendre jusqu'à 5000 euros sur le marché noir, il vaut mieux s'en remettre au hasard et à la roue de la fortune...
Certes, le festival, ça brille, c'est bling-bling, mais c'est tellement magique de se retrouver dans la même ville l'espace d'un instant que nos héros de cinéma. Entre Michael Douglas, Harrisson Ford, Martin Scorcese et Robert De Niro (317 ans à eux quatre, tout de même), la venue de cesdinosaures du cinéma a enflammé la Croisette et redonné le sourire aux festivaliers, littéralement rincés par une météo capricieuse, le mauvais temps s'installant systématiquement pendant le festival, pour ne pas trop dépayser les parisiens. Un festival toujours «plus vieux», en somme!
Auparavant, à la grande époque de Canal +, le public pouvait assister gratuitement tous les soirs à «Nulle part ailleurs», puis au «Grand Journal», avec notamment la présence des «Guignols de l'Info». Le mythique plateau était installé en face du Martinez, et il s'agissait d'une attraction pour les badauds.
Aujourd'hui, France Télévisions est désormais le diffuseur exclusif du Festival de Cannes, et c'est sur l'Esplanade du Pantiero (déjà hôte de «Ninja Warrior» sur TF1), face à l'hôtel de ville, que les équipes de C à vous ont pris leurs quartiers.
Le grand public peut y assister, en appelant les équipes parisiennes qui gèrent les activités de la télévision, mais sachez que tout se cale avant le festival, les places étant réservées à l'avance.
C'est dans cette émission que Bertrand Chameroy, local de l'étape ayant fait ses études à Cannes, y livre une chronique quotidienne.
Contrairement à l'époque Canal, l'esplanade du Pantiero est encerclée par des vigiles, le plateau étant barricadé tel un cocon, tant et si bien qu'il est impossible de voir quoi que ce soit – hormis depuis l'écran géant – situé à l'extérieur.
Si Canal + a cédé sa place à France Télévisions, du côté des voitures officielles, un troc s'est également opéré, puisque Renault, partenaire historique du FIF depuis près de 40 ans, a été remplacé par le constructeur allemand BMW, avec des véhicules 100% électriques. Un point positif pour la transition énergétique, même si les navires de croisière continuent de voguer et mouiller dans la baie. On ne peut que regretter la présence encore trop massive de ces grands pollueurs en Méditerranée.
Évidemment, le Festival de Cannes étant une vitrine mondiale, la planète entière a les yeux rivés sur la ville azuréenne pendant la quinzaine, ce qui provoque moult péripéties qui n'ont rien à voir avec le cinéma.
Cette année, dans un contexte politique très tendu, post 49/3 sur l'épineuse question de la réforme des retraites, l'occasion était belle pour les syndicats de faire entendre leur revendications, la CGT l'a bien compris.
Les manifestations se suivent tout au long de la quinzaine, les activistes allant même jusqu'à couper le gaz de certains établissements de la Croisette, pourtant en plein service du midi.
Entre une militante anti-GPA qui s'est littéralement désapé sur le tapis rouge arborant un code-barre sur son corps, une jeune femme qui a monté les marches en robe bleue et jaune et qui s'est aspergée de faux sang pour dénoncer la guerre en Ukraine, les militants d'Extinction Rebellion qui manifestent contre les jets privés à l'aérodrome de Mandelieu et une fausse alerte à la bombe, ce 76e FIF aura été le cadre de nombreux «happenings» et événements inattendus.
C'est pourtant un autre élément perturbateur que l'on attendait pas qui a fait le plus parler de lui: Thierry Frémaux, le délégué général du Festival de Cannes, venu se greffer à la fête et qui s'est quelque peu «embrouillé» avec un policier municipal pour avoir roulé trop vite avec son vélo électrique devant le Carlton.
Dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, visionnée plusieurs millions de fois, le délégué du festival enjoint le fonctionnaire de décliner son identité, lui promettant de «porter plainte» et le menaçant:«ça va aller très loin». Des paroles qui n'ont pas plu aux syndicats de police, «condamnant fermement l'attitude de Thierry Frémaux» et précisant «qu'en France, nul est au-dessus des lois.» À bon entendeur.
Monsieur Frémaux, qui avait déjà suscité des critiques quelques jours plus tôt en prétextant sur un plateau de télévision «ne pas être au courant» des événements entourant Johnny Depp et son ex-femme Amber Heard, avait fait grincer des dents. Pas sûr que ce second épisode du vélo électrique soit bénéfique pour son image... Même le maire de Cannes, pourtant présent en haut des marches à chaque montée officielle aux côtés du délégué général Thierry Frémaux, s'est senti obligé de réagir face à cet épisode inattendu, se fendant d'un tweet pour venir à la rescousse du fonctionnaire, louant «un travail exigeant» de sa police municipale.
Une polémique dont le festival se serait bien passée!
Pour être certain de voir des stars à Cannes, il n'y a pas quarante solutions. L'option choisie par nombre de touristes est de patienter pendant des heures au pied du Palais pour assister à la montée des marches, aux côtés du désormais célèbre «gang des escabeaux», confinés derrières les barrières de sécurité.
Tous les soirs, autour de 19h, les hordes d'admirateurs se bousculent pour apercevoir les stars. Le protocole de sécurité est bien rodé, et cette année, des drones balaient les cieux cannois pour intercepter toute menace éventuelle. En outre, il est rassurant de savoir que de nombreux policiers en civil assistent eux aussi à la montée des marches au milieu de la foule compacte, pour prévenir tout incident, ou repérer les pickpockets en amont.
La brigade cynophile est aussi de la partie. Flanqué de son gilet floqué K9 (prononcer «key-nine» en anglais,canine, en référence à la célèbre unité de chiens policiers américains), ce membre des forces de l'ordre tenant fermement en laisse son jeune et beau malinois nous confirme: «Je suis son seul maître. Mon chien dort à la maison, même si dans les faits, il appartient à l’État.»
Sous le regard attentif du policier et son compagnon à quatre pattes, le public s'installe plusieurs heures à l'avance, dès le matin, campant carrément sur place, ou se hissant sur les palmiers qui jouxtent le palais des festivals.
D'autres ont carrément tout leur attirail, échelles et escabeaux, harnachés aux barrières de sécurité avec un système anti-vol et avec leurs noms marqués dessus.
«Si j'étais vous, je les pousserai et m'installerai où je veux», nous lance un CRS chargé de la sécurité au bas des marches. «L'endroit ne leur appartient pas», renchérit-il, avant de tempérer: «par contre, s'ils font le pied de grue depuis le matin, ne les bousculez pas quand même!»
Il faut s'armer de patience, mais pas que, pour dégoter une belle photo. Les plus chanceux repartiront avec un autographe, voire un selfie, grappillé aux plus grandes vedettes de la planète cinéma.
D'autres préfèrent miser sur les hôtels, attendant au choix devant le Majestic, le Carlton ou le Martinez, les trois palaces les plus réputés de la Croisette et d'où les stars partent juste avant la montée des marches. C'est un peu au pari car les équipes des films ne partent psa toujours du même endroit, mais en règle générale, il s'agit d'un de ces trois-là, plus rarement le JW Marriott.
Siroter un cocktail au 72 Croisette, le bar situé au pied de la rue Latour-Maubourg, est également une bonne alternative pour être en face de l'entrée du Martinez. C'est devant les barrières de sécurité que l'on rencontre Édouard, photographe amateur, qui se rend au festival chaque année depuis 1990.
«Je trouve qu'il y a une meilleure ambiance à Cannes pendant le festival qu'en dehors!»lâche-t-il, sans ambages. Il faut dire que certains préjugés sur notre ville ont la peau dure, notamment sur l'aspect très individualiste de la côte d'Azur.
Alors que les badauds guettent les stars devant le Martinez, un top-modèle minaude sous les objectifs, simplement vêtue d'un maillot échancré sous un voile transparent, qui laisse tout apparaître.«Elle est habillée ou déshabillée?»s'interroge Édouard, hilare.
«Je préférerai voir des acteurs et des actrices, mais il n'y en a pas beaucoup,constate le même homme.Ils sont aujourd'hui remplacés par des mannequins et des Tiktokeuses et des influenceuses, mais ce n'est pas de ma génération.»
Édouard n'attend aucun VIP spécifiquement, et préfère la spontanéité de l'instant présent:«Il vaut mieux se laisser surprendre par la vie, le bonheur y est plus intense», ajoute-t-il, philosophe.
Il fait le pied de grue des heures durant devant le célèbre palace, même rituel depuis 1990. L'homme, qui n'a pas Internet, shoote encore à l'argentique, et fait développer ses pellicules chez un photographe.
Ses milliers de clichés sont ensuite rangés religieusement dans un classeur. Il vit «à l'ancienne» et l'assume: «C'était autrement plus authentique auparavant, et il y avait plus de respect, assène-t-il, regrettant«le nombre de suicides chez les jeunes accros aux réseaux sociaux».
Très terre-à-terre, il fustige «les jeunes qui ne pensent qu'à gagner de l'argent» et n'hésite pas à demander aux ados embarqués dans une course permanente à la gloire et à l'argent facile:«Avez-vous les moyens humains d'avoir les moyens financiers?»
De quoi désarçonner ses interlocuteurs, hébétés devant une telle interrogation.
La réalité lui donne raison, quand on voit que la majorité des nouvelles stars sont des mannequins. Iris Mittenaere, ancienne Miss France et Miss Univers, est l'objet de tous les regards dans sa parure, attendant de gravir les marches aux bras de son fiancé Diego El Glaoui. Avec un prénom comme le sien, le garçon est probablement encore libre dans sa tête, mais certainement plus dans son cœur.
La plus belle montée des marches de cette quinzaine 2023 revient sans conteste à la trilogie magique formée par Leonardo Di Caprio, Martin Scorsese et Robert De Niro. «Trois monuments du cinéma sont sur le tapis rouge», annonce le speaker dans les enceintes. La foule est aux anges, l'émotion est palpable. Une atmosphère particulière charge la Croisette et les pourtours du palais, tant ces trois stars sont à ce point des icônes du 7e art. La montée est unique, et donne envie de verser une larme d'émotion.
Robert De Niro, mythique acteur révélé par Scorsese (Taxi Driver, Les Affranchis, Casino, Les Nerfs à Vif...), Francis Ford Coppola (Le Parrain), ou encore Sergio Leone (Il était une fois en Amérique), est littéralement adulé sur le photocall, y compris par des professionnels qui scandent son nom. C'est là où le cinéma est magique, car même des habitués qui travaillent dans l'industrie restent des fans avant tout.
«Certains sont moins sympas que d'autres»nous glisse un chauffeur de VTC devant le Majestic, et ça se vérifie dans l'attitude des certains. Si Robert De Niro n'a pas eu l'air spécialement désireux de s'approcher des barrières et semblait moins concerné par les fans, Martin Scorsese, 80 ans lui aussi, a signé quelques grigris une trentaine de secondes, mais c'était bien Leonardo Di Caprio qui semblait le plus à l'aise et rompu à l'exercice. Il faut souligner la générosité de l'acteur de Titanic à l'égard des fans, la mégastar d'Hollywood passant cinq bonnes minutes, tout sourire, à signer des autographes et se prêtant volontiers au jeu des selfies.
Si «Leo» plaît à tout le monde et également aux mâles virils, son public d'ultra fans est essentiellement féminin, et l'hystérie de certaines adolescentes et jeunes filles a de quoi faire tourner les têtes. On se souvient de la fièvre qui s’emparait des foules lors des passages des Rolling Stones ou les Beatles partout où ils allaient, ou encore Elvis Presley, Claude François et Johnny Hallyday au début de leur carrière, des flopées de jeunes filles s'évanouissant carrément. En 2023, rares sont les stars à déclencher des émeutes, et Leonardo en fait partie. On se demande s'il ne doit pas lui-même être effrayé par moments par les réactions qu'il suscite, et seuls les maestros de sa trempe parviennent à conserver leur sourire et rester flegmatique en pareilles circonstances.
Nous avons croisé à plusieurs reprises la délégation officielle de Killers of the Flower Moon, mais les vitres teintées sont restées closes, lorsque le cortège est passé avenue de Madrid pour ramener l'équipe dans leur palace d'Antibes, l'Eden-Roc, où logent les plus grandes stars. Compréhensible pour des raisons de sécurité peut-être, mais tellement rageant quand on sait qui est assis sur la banquette arrière et qu'on aimerait juste entrevoir...
Cela ferait pourtant plaisir aux spectateurs de faire coucou aux célébrités à travers les vitres, mais très peu jouent le jeu.
Arnold Schwarzenneger, 75 ans, fait partie de ces exceptions. Le 18 mai, le soir où Harrison Ford montait les marches, le célèbre acteur de Terminator descendait incognito au Martinez et sortait en voiture officielle, sur la place du passager, et descendait gentiment sa vitre pour discuter avec les fans, tout sourire.
Sur la Croisette, pendant la quinzaine, on trouve de drôles d'énergumènes, comme cet homme déguisé en vieux beau, avec une chemise bleue fluorescente ouverte sur sa toison pectorale, et un pantalon blanc, qui se prend pour Aldo Macione, et se pavane en essayant d'attirer les regards.
Plus loin, c'est un cyborgue qui semble venu d'une autre planète qui déambule au gré des passants. Seuls les deux yeux de «Lee Villain Prédator», c'est son petit nom, nous parlent à travers son masque de monstre:«Je viens de Normandie, et c'est la première année que je viens à Cannes», raconte la créature, qui profite de cette vitrine mondiale pour montrer son travail et pourquoi pas, se faire repérer.
Le balade pittoresque se poursuit en croisant l'ancien ministre de la culture, Jack Lang, arpentant la Croisette d'un pas pressé, avec son nouveau lifting et une teinture flamboyante. Sympa, il ne cherche pas à se cacher, bien au contraire, et ça lui plaît d'être reconnu. Cannes reste un lieu où il faut être vu et se montrer...
En fin de journée, on assiste au triste ballet de ceux qui, le soir venu, font tout pour gratter des cartons d'invitation, quitte à littéralement se taper l'incruste dans les soirées privées. C'est le cas de la «femme panthère», habituée de Cannes depuis trente ans où elle venait chaque année avec sa mère aujourd'hui disparue. Elle partie de ces pique-assiette sympathiques qui font partie du folklore et qui tente de s'incruster dans les soirées. Connue comme le loup-blanc, elle parvient à ses fins grâce à un réseau savamment travaillé et entretenu.
Entre Johnny Depp, Michael Douglas, Harrison Ford, Robert De Niro, Leonardo Di Caprio ou encore Tom Hanks chez les «poids lourds» masculins de l'industrie, cette 76e édition du Festival a tenu toutes ses promesses. Les commerçants se réjouissent du succès de ce festival, une manne financière indéniable, comme le confirme ce gérant d'une échoppe : «Beaucoup d'étrangers sont là, des producteurs philippins et de toute l'Asie se retrouvent dans notre magasin,constate cet opticien rue d'Antibes.L'an dernier, on a même eu Benoit Magimel qui est passé au magasin!»
Pour tout le monde, le bilan est plutôt très positif. Qu'on soit excédé ou non par la foule, la circulation, les rues fermées et les prix qui montent, on ne peut que se faire une raison et constater que ce FIF est une aubaine exceptionnelle pour l'ensemble de la ville. Les retombées économiques et le rayonnement culturel sont tels qu'on ne peut que se réjouir pour Cannes de devenir le centre du monde pendant quinze jours par an. Prions pour que la Croisette continue d'être l'hôte de ce festival unique au monde, et pour que Cannes continue à régner sur le glamour, le strass et les paillettes pour encore de nombreux siècles.
Mon job c'est Humoriste mais j'ai clairement la bougeotte entre deux Spectacles ! Équipée de mon drone et de ma caméra, j’ai décidé de vous faire DÉCOUVRIR les MERVEILLES qui nous entourent. Pour suivre mes aventures au jour le jour, retrouvez-moi sur Instagram & sur ma Chaîne Youtube "Emma Vlog Trotter". Voir ma bio
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